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[PREVIEW] Gray Zone Warfare : l’art de l’esbroufe

dimanche 5 mai 2024, 14:04 , par NoFrag
Depuis maintenant quelques mois, les influenceurs nous abreuvent des intentions incroyables du studio Madfinger Games pour leur extraction shooter Gray Zone Warfare. Des visuels ahurissants, un gameplay coopératif tactique et réaliste, des mécaniques de jeu innovantes, une zone immense à parcourir, peuplée de centaines d’IA et 48 joueurs… L’apogée de la communication a été atteint lors de la sortie en accès anticipé, avec un trailer compilant toutes les phrases exagérées de dizaines d’hommes-sandwish, moussés comme jamais par une semaine de playtest qui leur était réservée. Mais malgré tout, quelques personnes intègres semblaient plutôt convaincues qu’en l’état, il n’était pas si incroyable, et surtout, qu’il nécessitait encore beaucoup de travail. Cinq jours après, le jeu sortait sur Steam, avec une note désastreuse – largement améliorée depuis. Mais était-ce pour les bonnes raisons?
Genre: Extraction-shooter PvPvE | Développeur: Madfinger Games | Éditeur: Madfinger Games | Plateforme: Steam | Prix: de 34,99 € à 99,99 € | Configuration recommandée: Core i7-9700K / Ryzen 5 3600X, 32 Go de RAM, NVIDIA® RTX 3070 Ti / Radeon RX 6800  | Langues: anglais | Date de sortie: 30/04/2024 | Durée de vie:  des dizaines d’heures

Preview réalisée avec une version Standard achetée sur Steam

Madfingers Games, pratiques douteuses
Le studio Madfinger Games ne vous dit sans doute rien, mais c’est pourtant un vétéran de l’industrie vidéoludique. La subtilité, c’est qu’ils sont experts en jeux mobiles, et que Gray Zone Warfare est leur premier jeu PC. C’est peut-être pour cela qu’on se retrouve avec une monétisation à la limite de la malhonnêteté. En effet, la version standard est affichée à 35 €, mais des versions allant jusqu’à 65 € supplémentaires sont proposées uniquement sous forme de DLC non-remboursables. Elles permettent d’améliorer la qualité de vie: plus d’espace dans l’inventaire, container sécurisé plus grand, plus d’équipement pour commencer, etc. Certes, ce n’est pas différent d’un Escape From Tarkov, et les développeurs ont confirmé qu’on pourra améliorer ça in-game, mais c’est toujours décevant de voir ce genre de pratiques.

On fait des tours en hélico
Mais plongeons-nous directement dans le vif du sujet: le jeu. Pour commencer, on vous demandera de choisir parmi trois factions, ce qui déterminera avec qui vous aurez le droit de jouer en équipe ou non. Il est possible d’en changer, mais ce sera au prix d’une remise à zéro du compte, donc ne vous trompez pas. Pas d’inquiétude, en dehors de cette contrainte, la sélection de l’une plutôt que l’autre est aussi importante qu’à la balle au prisonnier: tout le monde aura le même équipement, les mêmes vendeurs et les mêmes quêtes. La seule différence viendra de la situation géographique. Comme dans n’importe quel extraction shooter, vous devrez vous équiper avant de partir en raid, en choisissant vos armes, que l’on peut modifier à la manière d’Escape From Tarkov. La particularité vient ici du fait que c’est une immense carte, et que vous pouvez partir en mission aussi bien à pied (mais ce sera long et chiant) ou grâce à un taxi hélicoptère. Ce dernier peut vous emmener à des points bien spécifiques, du moment que vous les ayez débloqués. Et c’est sans doute l’aspect le plus réussi et impressionnant du jeu. Il n’y a aucun chargement, et cela donne une vue imprenable sur les forêts et rizières de la région fictive de Lamang, très inspirée du Laos.

On patauge dans la boue
Une fois sur le terrain, on se rend bien compte que les développeurs ont voulu rendre leur jeu tactique. Les mouvements sont plus proches d’un Escape From Tarkov, voire d’un Arma 3, que d’un Call Of Duty. Et si certaines animations sont pour l’instant risibles – notamment pour la course –, celles pour le maniement des armes sont très bien réalisées. Malheureusement, le feeling n’est pas encore au rendez-vous. C’est assez lisse, et le sound design est plutôt nul. D’autre part, alors que Madfinger Games avait longuement parlé de la pénétration des munitions en fonction des matériaux, les bots encaissent parfois une dizaine de balles de 7,62 sans broncher, avant de vous coller un headshot de l’espace. Il faudra vérifier si ce genre de comportement se tasse avec l’amélioration des performances serveur, qui peuvent dramatiquement impacter le ressenti des combats. Mais en l’état, on a l’impression que l’équilibrage a été fait par un singe cocaïnomane.

Opportunisme ou heureux hasard?
Alors que les plus complotistes affirment que Madfinger Games a sauté sur la polémique autour de Tarkov pour sortir leur accès anticipé précipitamment, la vérité est autrement plus banale: après de nombreux reports, le jeu était bien prévu pour arriver à cette date, et ils ont eu une chance de cocu.

Ne tournons pas autour du pot: l’IA est nulle à chier. Les ennemis sont cons comme des balais. Ils regardent les murs, ou se tiennent comme des glands au milieu de la route, alors que des coups de feu retentissent à 100 mètres. Et ce n’est pas mieux lorsqu’ils sont engagés, puisqu’ils n’ont aucune notion de couvert ou de contournement. Ils vont juste s’avancer tranquillement vers vous un par un pour prendre leur balle dans la tête. Le risque vient du fait qu’ils peuvent parfois vous voir à travers les buissons, contrairement à vous, donc il faudra se méfier lorsque vous les entendrez causer. Malheureusement, il nous semble que ce point, pourtant majeur, ne va pas être une mince affaire pour les développeurs. D’autant plus qu’ils ne sont pas très expérimentés dans le développement de titres PC, qui demandent, a priori, des compétences bien différentes de celles des jeux mobiles. En effet, l’ambition de donner vie à des centaines d’IA et de gérer la balistique pour 48 joueurs, nous paraît difficilement atteignable de prime abord. Cela fait beaucoup de choses à calculer côté serveur, qui a déjà parfois du mal actuellement. On pense bien fort à Arma 3, qui peut avoir les mêmes soucis sur des missions custom, avec beaucoup moins de bots, et souvent moins de joueurs. C’est pour cela qu’on n’est pas très optimistes, malgré la bonne volonté du studio. C’est sans doute aussi pour cette raison que le monde, bien que très détaillé, est désespérément vide et sans vie. Mis à part les milices armées postées çà et là près de leur bâtiment, aucun civil, véhicule, ni même patrouille, ne vient briser la monotonie.
On peut récupérer son équipement après sa mort, si on parvient à retrouver son cadavre.
Mais on s’emmerde un peu

Le système de soin innovant tant vanté lors des précédentes annonces ne m’a pas paru si exceptionnel. Au bout de quelques heures, vous comprendrez qu’il faut utiliser tel type de soin pour tel type de blessure, et que si vous pissez le sang, il vaut mieux mettre un garrot avant le bandage, et une perfusion ensuite. Si vous avez déjà joué à Arma 3 avec quelques mods, vous ne serez pas dépaysé.

Pour l’instant, la formule proposée par Madfinger Games peine à convaincre au-delà de quelques heures, d’autant plus en solo. En effet, les quêtes ne sont pas très intéressantes et ne donnent pas spécialement envie de les suivre. Vous me direz que celles de Tarkov sont tout aussi nazes, et je serai tout à fait d’accord. Cependant, chez son concurrent russe, la mission est un prétexte, puisque les affrontements sont viscéraux et chaque ennemi abattu provoque une grande satisfaction. Et sortir d’un raid vivant est une véritable victoire. Autant d’émotions et de sentiments presque totalement absents de Gray Zone Warfare, pour plusieurs raisons. D’une part, à cause d’un feeling très fade, mais surtout, à cause du manque d’enjeu. En effet, notre cadavre reste pendant une heure à l’endroit du décès, et il est généralement possible d’y revenir en quelques minutes, d’autant plus facilement si on joue en groupe. Pour les combats contre les IA, cela fait donc juste perdre un peu de temps pour atteindre l’objectif que l’on s’était fixé. Du côté du PvP – quand on choisit de rejoindre un serveur l’autorisant –, cela amène à des guerres de position un peu absurdes, dans lesquelles on peut voir une valse d’hélicoptères ramener les belligérants un par un, jusqu’à ce qu’une des équipes en ait marre. En plus, il n’y a pas vraiment d’intérêt à tuer d’autres joueurs, puisqu’ils disposent des mêmes équipements que vous, et que pour l’instant, les armes ne sont pas très variées.
Intrinsèquement, l’absence de tension n’est pas un mal, puisqu’il propose une autre vision de l’extraction shooter. Une proposition plus accessible que son concurrent le plus flagrant. Ici, pas besoin d’investir plusieurs heures tous les jours pour espérer sortir avec un équipement qui nous fait plaisir à la fin de la semaine. Et surtout, on n’a pratiquement pas la peur de perdre son stuff.
En hélico, ça vaut le coup.À pied, franchement, bof.
Profitez de la fonction chauffage de votre carte graphique
S’il y a bien un sujet sur lequel il est facile de faire de la promo, c’est l’aspect. Et il faut dire que ce qu’affiche Gray Zone Warfare est assez incroyable. Le monde est très détaillé, et rempli d’éléments très fins. Comme on le disait au début, c’est très impressionnant en hélico. Malheureusement, une fois au sol, on s’aperçoit qu’il manque un petit quelque chose. C’est trop propre, trop scolaire, et ça manque d’âme. Ce n’est peut-être l’histoire que d’un travail sur la lumière ou sur un filtre quelconque, mais pour l’instant, j’ai eu du mal à trouver le jeu très beau. Du côté de la technique, c’est assez compliqué. À titre d’exemple, avec un AMD 7800x3d, 32 Go de RAM et une RTX 4090, en 4k, tout au max, DLSS qualité et frame generation, j’oscillais entre 90 et 130 FPS. À opposer à mon PC portable doté d’un I5 13500H, de 16 Go de RAM et d’une 4060, qui ne pouvait maintenir les 60 FPS stables en 1080p que grâce à la frame gen, malgré avoir tout mis en low et activé le DLSS en mode performances. C’était assez pénible à voir, et fatalement plus difficile à jouer, puisque les ennemis étaient encore plus durs à localiser. De plus, bien que cela semble beaucoup mieux depuis quelques jours, les serveurs ont l’air de parfois hoqueter, provoquant des rollbacks incessants et des sauts en hélicoptère, particulièrement propices à faire remonter vos spaghettis bolognaise jusqu’à votre clavier. Néanmoins, difficile de reprocher une mauvaise optimisation graphique ou des problèmes réseau pour un titre en accès anticipé, surtout dans les premières semaines.

Sorti beaucoup trop tôt
Gray Zone Warfare est sorti en accès anticipé beaucoup trop tôt. Certains ont pu être aveuglés par la débauche de technique pour afficher une carte fourmillant de détails, et des panoramas très impressionnant en hélico. Mais quand on creuse un peu, il ne reste plus grand-chose: la direction artistique est finalement assez plate, c’est vide, sans vie, les quêtes sont chiantes, il y a un gros manque d’enjeu que ce soit en PvE ou en PvP, et surtout, l’IA est catastrophique. Et on n’est pas très optimistes quant à son amélioration, compte tenu des calculs à faire côté serveur. D’un autre côté, le jeu propose un gameplay beaucoup plus casual que son concurrent principal, malgré son habillage tactique hardcore. Cela pourra plaire à ceux qui n’ont pas trois heures par jour à consacrer à un jeu vidéo, surtout s’ils ont deux ou trois potes pour faire quelques missions. Pour finir, bien qu’il soit difficile de reprocher à un jeu en accès anticipé son manque d’optimisation, on doit tout de même signaler qu’on est ici en présence du détenteur du trophée diaporama & bouillie de pixels. Mais cela reste, selon nous, le cadet de ses soucis, et on ne peut vraiment pas vous le conseiller pour l’instant, encore moins quand on voit les « DLC » non-remboursables pour les versions avec plus d’espace dans l’inventaire…
Vous avez du mal à vous y retrouver dans le catalogue Steam? Alors suivez le groupe de curation NoFrag pour vous aider à trier le bon grain de l’ivraie.
https://nofrag.com/preview-gray-zone-warfare-lart-de-lesbroufe/
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